Lie Zi – HISTOIRE DU VOLEUR DE HACHE


Un homme ne retrouvait pas sa hache. Il soupçonna le fils de son voisin de la lui avoir prise. Il se mit à le scruter. Son allure était, typiquement, celle d’un voleur de hache. Son visage était celui d’un voleur de hache. Les paroles qu’il prononçait ne pouvait être résolument autre que celles
d’un voleur de hache.  Toutes ses attitudes et comportements démontraient qu’il l’avait bien volé, que c’était bien lui le voleur de hache.
Nonobstant, de façon imprévisible, en tournant la terre, l’homme retrouva soudainement sa hache.
Lorsque le lendemain, son regard se posa à nouveau sur le fils du voisin, ce dernier ne présentait rien, ni dans son allure, ni dans son attitude, ni dans son comportement, qui pourrait laisser transparaître un voleur de hache.

CETTE SIMPLE HISTOIRE EN APPARENCE SE RÉVÈLE ÊTRE
UN MAGNIFIQUE ENSEIGNEMENT !

Le paysan perd sa hache. Un élément de sa vie essentiel pour son travail et qui demeure, pour lui, d’une grande valeur. Au lieu de rester dans la tranquillité du Cœur, son attitude prend une tournure émotionnelle. Si son énergie avait été stable, il aurait simplement porté une réflexion et réfléchi au moyen de retrouver sa hache.
Sa part émotionnelle le porte vers un autre rivage, celui de la suspicion, c’est-à-dire de l’imaginaire.
La Médecine chinoise mentionne dans ce cas que “Le Cœur, n’est pas dans sa demeure”. C’est-à-dire que l’Esprit, en lien avec le Cœur, considéré comme une seule entité, n’est plus enraciné, il est instable.


Cet imaginaire va donc pousser notre paysan à porter un autre regard. Il semble épier le fils de son voisin, et avant d’avoir la preuve irréfutable de la culpabilité de ce dernier, l’affuble de la responsabilité. À tel point que sa vision change et transforme son voisin en un personnage, totalement construit. Divers détails se manifestent et convergent – l’allure, le visage, les paroles, les comportements -. Ils vont se calquer à la pensée du paysan.
Les évènements montrent qu’il n’en est rien. Un moment essentiel dénoue la situation. Lorsque le réel apparait, ici le fait que le paysan retrouve la hache, le paysage change radicalement, les pensées discursives s’étiolent et l’Esprit de sagesse refait surface. Cela à l’image d’un soleil qui se lève après l’obscurité. Les émotions se sont pacifiées, dès lors, que l’Esprit est apaisé, l’embrument n’a plus lieu d’être ; la vision est claire. Tout semble changer, alors qu’en réalité aucun changement n’existe chez le fils du voisin du paysan. Il s’agit bien d’un changement de vision du paysan.

POUVONS-NOUS PRÉTENDRE À UNE CONCLUSION ?

En conclusion, il est probable que Lie Zi cherche, par cette fable, à démontrer au lecteur un enseignement sur le fait qu’observer le grand calme de l’Esprit est davantage profitable. Lorsque l’esprit s’échappe, l’imaginaire prend le dessus et sort du réel.
Cette vision du temps présent doit nous permettre de ne pas changer notre paysage intérieur en fonction des situations, elle est donc, à propos face aux situations actuelles. Garder le calme de l’Esprit, méditer, poser son souffle, conduit vers cet espace de tranquillité. Ce dernier est à la portée à tous. C’est ce qui est appelé “demeurer dans le dao” ou “demeurer dans l’état de qi gong“.